Puisque partout sur la planète on se remet à prier des dieux qu’on pensait enterrés, je me disais messieurs les cardinaux que peut-être je pourrais essayer de croire vos prophéties anciennes.
Je n’ai pas choisi le messie qui me guidera. Je marcherai dimanche et entrerai où me mèneront mes pas. La Méditerranée prie le même Dieu, loue les mêmes archanges, narre les mêmes légendes. Qu’importe le prophète si je reçois le Verbe.
Dimanche j’irai chez vous peut-être. C’est un athée convaincu qui voudrait vous rejoindre. J’attends que vous vous prépariez. Mon renoncement est énorme. Vos concessions seront à la hauteur.
Je serais religieux, mais demain j’aurais des prêtresses. Des pasteures, des imames, des cardinales, des papesses. Hildegarde évêque de Rome. C’est classe ! Ça sonne ! Dieu dites-vous nous a conçu à son image. Dieu homme et femme ! Dieu amour hermaphrodite ! Un dieu total ! L’idée vous plaît ? La moitié de ses enfants peut bien officier maintenant, il ne s’en offusquera pas. Ne comptez pas sur lui pour nous désavouer, il ne parlera pas. Et cette Jeanne, celle que vous appelez la pucelle d’Orléans, ne l’a-t-elle pas entendu ? N’est-il pas venu à elle pour lui annoncer qu’elle lèverait une armée et libèrerait son pays ? N’est-ce pas là une prophétie ? Allons messieurs un peu de courage, qu’on en fasse une prophète !
Dimanche je serais religieux, mais j’aurais bien du mal à entendre les propos du puceau qui me parlera d’amour. Demain je serais croyant mais il me faudra des prêtres virils. Des femmes d’expériences, qui ont vu le loup, qui l’ont croqué, usé, lui, et tous ses cousins. Que m’importe les récitations stériles d’un candide ignorant les caresses de la communion des âmes ? Allez messieurs, ouvrez vos clergés. Faites entrer l’amour, que pénètre dans ces églises antiques un peu de la réalité de nos vies. Qu’ils aiment ! Qu’ils s’aiment ! Je le sais déjà. Votre divinité ne vous réprouvera pas.
Bien, je savais que sur les détails nous nous entendrions. Vous êtes hommes de raison, la sagesse c’est votre affaire. Passons aux choses sérieuses.
Dimanche je me convertis mais nous ne croierons pas. La foi, mais quelle idée dangereuse ! Comme vous vous êtes trompés ! On peut tout justifier avec la foi. Tous les bûchers, tout le sang versé. Et tous ces égorgés. Allons messieurs, entres humains raisonnables, la foi c’est daté ! Que Paul eût besoin de croire en la résurrection de Christ pour affirmer sa fidélité au Messie on peut l’entendre. Mais sont venus depuis, Galilée et Copernic, Hume et Lavoisier, Curie et Lovelace. Oublions la fidélité, Il n’en a pas besoin.
Dimanche je me convertis, mais vous cesserez vos sorcelleries. Vos prêtres en blanc, la fumée des encens, vos idoles clouées, ces cérémonies magiques, debout, assis, manger le pain béni, aliments prohibés, jeûnes lunaires, prières égotiques, et j’en oublie… Cessez là ces enfantillages ! L’humanité a grandi, nous nous sommes élevés, tous ces rites vieillots sont inutiles. Vous le savez bien. Il le sait aussi. Il ne dira rien.
Je compte sur vous. Il me tarde maintenant de vous rejoindre, la grande communauté humaine réunie. Dimanche je me convertis. Je rejoins une église sans foi, sans rites, un clergé universel, un dieu toujours muet, c’est la sagesse humaine que je rejoins. Comme nous serons bien.